Les techniques renforcées d’interrogatoire de la CIA contre des détenus après le 11 Septembre « n’ont pas été efficaces » et ont été plus brutales que ce que l’agence d’espionnage avait reconnu jusqu’à présent, a conclu un rapport très attendu du Sénat américain mardi. La commission du Renseignement du Sénat a rendu publique une version expurgée d’un minutieux rapport d’enquête parlementaire dénonçant la détention secrète d’une centaine d’hommes suspectés de liens avec Al-Qaïda, un programme autorisé secrètement sous la présidence de George W. Bush.

« A aucun moment les techniques d’interrogatoire renforcées de la CIA n’ont permis de recueillir des renseignements relatifs à des menaces imminentes, tels que des informations concernant d’hypothétiques ‘bombes à retardement’ dont beaucoup estimaient qu’elles justifiaient ces techniques », déclare dans un résumé la présidente de la commission. Le rapport accuse aussi la CIA d’avoir menti, non seulement au grand public mais aussi au Congrès et la Maison Blanche, sur l’efficacité du programme, notamment en affirmant que ces techniques avaient permis de « sauver des vies ». Quant aux techniques utilisées, « elles étaient brutales et bien pires que ce que la CIA avait décrit aux élus », conclut le rapport. Dans 20 conclusions implacables pour la CIA, le rapport de 525 pages expurgé et publié par la commission du Renseignement du Sénat, contrôlée par les démocrates, accuse l’agence d’avoir soumis 39 détenus à des techniques brutales pendant plusieurs années, dont certaines n’étaient pas autorisées par l’exécutif américain et que le Sénat décrit en détails.

La CIA a employé ses techniques d’interrogatoire renforcées à répétition pendant des jours et des semaines. Les détenus ont été jetés contre les murs, dénudés, placés dans des bains glacés, empêchés de dormir pendant des périodes allant jusqu’à 180 heures. Un détenu a été menacé d’une perceuse. Au moins cinq ont subi des « réhydratations rectales » forcées et, dans un cas, de la nourriture a été administrée par voie rectale. Le détenu Abou Zoubeida, après avoir subi des simulations de noyade à répétition, « avait de la mousse sortant de la bouche », quasi-inconscient. George W. Bush, alors président américain, a été informé en avril 2006, soit au bout de quatre ans, que des détenus avaient subi des tortures dans des prisons secrètes de la CIA, révèle le rapport. L’ancien président républicain avait « exprimé son embarras » en découvrant « l’image d’un détenu, enchaîné au plafond, portant une couche-culotte et contraint de faire ses besoins sur lui », peut-on lire à la page 40 du rapport de la commission sénatoriale du renseignement.