Dépassé par l’ampleur du scandale lié au fichier EDVIGE, le Parlement avait chargé deux députés de lui remettre un rapport d’information sur les fichiers de police, rapport adopté à l’unanimité le 24 mars 2009.

Selon ce rapport, il serait ainsi ‘opportun’ de confier à une ‘commission’ le soin de trouver un moyen pour que le nouveau super-fichier ARDOISE n’hérite pas du ‘stock d’erreurs accumulées’ (plus d’un million, rien que pour ces trois dernières années) dans les fichiers (de police) STIC et (de gendarmerie) JUDEX qu’il doit absorber. L’an passé, 83% des fichiers policiers que la CNIL a été amenée à contrôler étaient inexacts, périmés ou erronés… et le tiers des fichiers qu’elle a vérifié, dans une opération de ‘blind test’ portant sur des affaires de stupéfiants, étaient erronés, faute d’avoir été mis à jour par le ministère de la Justice – censé informer la police des suites judiciaires données aux enquêtes policières, mais qui n’a transmis en, 2007, que 31% des ‘relaxes’, 21,5% des classements ‘sans suite’, 7% des ‘acquittements’, et 0,47% des ‘non lieux’…

Le rapport propose aussi d’avertir toute personne risquant de perdre son emploi du fait qu’elle est fichée, afin de lui permettre d’être ‘entendue, pour exposer son cas’, et non plus de l’en informer, après coup, une fois la décision prise. Un million de personnes, blanchies par la justice, étaient toujours considérées comme suspectes dans les fichiers policiers. Et dans son rapport sur le contrôle du système de traitement des infractions constatées (STIC), la CNIL estime que plus d’un million de personnes sont concernées par ces ‘enquêtes administratives de moralité’, qui peuvent leur coûter leur emploi.

Les deux députés viennent de déposer un projet de loi pour modifier la loi ‘informatique et libertés’ de sorte que la création d’un fichier policier ne puisse être autorisée sans en passer par une loi. Jusqu’en 2004, tout fichier ‘de sûreté’ ou portant sur la totalité de la population devait en effet être autorisé par la CNIL. La nouvelle loi ‘informatique et libertés’ a fait sauter ce verrou: l’Etat doit toujours, certes, saisir la CNIL, mais il n’a plus à tenir compte de son avis, déniant ce pour quoi la CNIL avait pourtant été créée, à savoir protéger les citoyens du fichage policier. Cette même loi autorise également les fichiers policiers à être ‘hors la loi’ jusqu’en octobre 2010. Résultat: le nombre de fichier policiers a augmenté en France de 70% ces trois dernières années, et le quart des 58 fichiers de police n’ont aucune existence légale.

Pour en revenir au fichier Edvige, les deux députés proposent la création (par la loi) de deux nouveaux fichiers destinés à remplacer celui des Renseignements Généraux: un pour le service de renseignement de la Préfecture de Police de Paris, l’autre pour la sous-direction de l’information générale (SDIG), qui a récupéré le quart des effectifs des anciens Renseignements Généraux. Y seront notamment fichés ‘les personnes, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, peuvent porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, par le recours ou le soutien actif apporté à la violence’… ainsi que ‘les personnes entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec ceux-ci’. Les mineurs de 13 ans, qui avaient eux aussi cristallisés une partie des opposants à EDVIGE, leur fichier sera effacé au bout de trois ans… sauf s’ils sont de nouveau fichés, ou que le magistrat (du parquet) en charge du contrôle du fichier accepte de les y maintenir, pendant un ou deux ans supplémentaires, à la demande de ceux qui les ont fichés.